Assurance emprunteur, la presse en parle !
Le projet de loi laisse un sentiment d'inachevé
- Détails
- Création : vendredi 7 mai 2010 12:45
Le texte vient renforcer les bonnes intentions du gouvernement quant à la libéralisation du marché Il n’est pas sûr pour autant qu’il donne satisfaction aux praticiens et encore moins, in fine, aux consommateurs
La réforme de l’assurance emprunteur vient de franchir une étape supplémentaire avec l’adoption, le 27 avril dernier par l’Assemblée nationale, du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Le texte retourne pour deuxième lecture au Sénat (1) .
Le refus du contrat proposé par le consommateur… Le principe qui guide la réforme est simple : le consommateur est libre de choisir son assurance de prêt à condition que celle-ci présente un niveau de garantie équivalent au contrat d’assurance de groupe proposé par la banque. Afin d’éviter les dérives, les établissements prêteurs devront motiver leur refus d’accepter un contrat en délégation.
… doit être justifié. La mise en pratique de cette exigence risque d’être délicate. Comme le précisait Patrice Haubois, responsable de département offres produits et services aux particuliers du Crédit Foncier lors de la manifestation du 28 janvier dernier organisée par Hannover Re, « cette pratique permettra d’assainir le marché des contrats qui présentent un manque certain de garanties. En revanche, je pense que cette obligation de motivation nous conduira à travailler autrement. Le particulier n’étant pas un juriste, il faudra lui fournir un lexique des termes utilisés pour qu'il puisse comprendre les motifs de refus du banquier. L’objectif doit être d’éduquer le consommateur, au-delà de la remise de la fiche synthétique, pour qu’il comprenne que l’assurance sert à quelque chose ».
Mais tout le monde aura-t-il envie d’être pédagogue ? Rien n’est moins sûr (lire l'encadré). Dans ce nouvel environnement, Céline Lemoux, avocate au Barreau de Paris, avertit que « l'un des dangers de la justification du refus se situera à l’occasion de sinistres pour lesquels l’assureur opposera une exclusion de garantie. Les assurés pourraient être tentés de se prévaloir du refus opposé et de l'information donnée pour invoquer un défaut de conseil. Il n’est donc pas exclu que les pratiques s’adaptent a posteriori en fonction des condamnations, s’il devait y en avoir ».
Enfin, comme il n’y a pas de petits profits, le consommateur doit être sensibilisé au fait que « certaines banques réclament des frais de dossiers de plus d’une centaine d’euros pour une simple analyse de l’acceptabilité du contrat proposé par le consommateur indépendamment de la recevabilité de la substitution »,précise le président de BAO, Pierre Balsollier.
Absence de pénalités de la part de la banque en cas de choix alternatif. L’acceptation en garantie par le prêteur d’un contrat d’assurance autre que le contrat de groupe proposé par l’établissement financier ne doit pas pénaliser financièrement l’emprunteur. Les députés, encouragés par le gouvernement, ont intégré le principe que le prêteur ne peut, dans cette situation, modifier les conditions de taux du prêt.
La fiche standardisée non obligatoire. Mise en place en juillet 2009, la fiche standardisée destinée à présenter simplement les garanties et permettre une comparaison entre les assureurs n’a pas été reprise dans le projet de loi, malgré le souhait de l’autorité de la concurrence.Sur ce chapitre, le gouvernement pense qu’il est bon de laisser la voie libre à la contractualisation de bonnes pratiques entre les opérateurs. Il s’engage par ailleurs à demander au CCSF (2) de vérifier, d’ici au 1er juillet 2010, si cet accord contractuel, testé auprès du public, est bien respecté par toutes les compagnies d’assurances. Et si tel n’est pas le cas, quelle sera la sanction ?
Question autour de la possibilité de résilier annuellement l’adhésion. Les députés ont retenu le principe qui consiste pour l’assureur à tenir le prêteur informé du non-paiement par l’emprunteur de sa prime d’assurance ou de toute modification substantielle du contrat d’assurance. En revanche, ils ont refusé d’introduire dans la loi la possibilité pour l’emprunteur de résilier annuellement le contrat d’assurance de groupe proposé par le prêteur. Pour le gouvernement, l’amendement est satisfait par le texte. La possibilité de changer d’assurance en cours de contrat est prévue dès lors qu’elle fait l’objet d’une clause contractuelle.
Dans le cas contraire, peut-on en conclure que l’emprunteur reste lié au contrat groupe de la banque ? Cela n’a rien d'évident. Spécialiste de l’assurance emprunteur, la société BAO (L’Agefi Actifs n°437, p. 4) défend la position suivante : «Les contrats d’assurance emprunteur, bancaires ou alternatifs, sont quasiment tous des contrats groupe à adhésion facultative, de type mixte puisqu’ils contiennent généralement une garantie incapacité. Ils relèvent donc de l’article L113-12 du Code des assurances qui prévoit une faculté annuelle de résiliation pour l’assuré. Dès lors, seul l’article L 312-9 du Code de la consommation qui permettait aux banques d’imposer leur propre assurance empêchait les emprunteurs de changer de contrat d’assurance en cours de prêt. Cette possibilité d’imposer l’assurance bancaire ayant été abrogée, rien ne fait désormais obstacle au changement d’assurance annuel pour les emprunteurs, dès lors qu’ils choisissent des garanties équivalentes ou supérieures à celles du contrat bancaire détenu.»
Certains emprunteurs assurés s’appuient aujourd’hui sur cette interprétation en soulignant que leur offre de prêt ne fait pas mention d’une renonciation définitive à ce droit de résiliation. Dans ces conditions, quel serait le sort du prêt, sachant que celui-ci est lié à l’assurance ? La belle usine à contentieux que voilà… alors que le texte, comme le rappelle Céline Lemoux, « ne prévoit aucune sanction ».
(1) Texte adopté par le Sénat en première lecture, n° 98 (2008-2009), le 17 juin 2009.
(2) Comité consultatif du secteur financier.